CHRONIQUE DE VANF 5 Octobre 2022 Rova et remblais

CHRONIQUE DE VANF 5 Octobre 2022 Rova et remblais

Architecture Chroniques Culture Environnement Histoire
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La dernière CHRONIQUE DE VANF dénonce la défiguration de notre patrimoine lentement mais surement. A coup de béton et de
remblais ou des constructions ou modifications de VAKOKA laissés par nos Ancêtres.

#Tany_Teny_Tantara

C’est toujours l’Imerina qu’on assassine

Utiliser des parpaings plutôt que reconstruire en bois, aussi bien pour valoriser un savoir-faire traditionnel que pour respecter le cachet singulier de ce patrimoine particulier : dernière délinquance culturelle en date au Rova d’Antananarivo. Autoriser la démolition d’une «Trano Gasy» (pour la définition, se reporter à la longue liste de Chroniques sur la question) et délivrer le permis de construire pour un cube de béton et d’alu à sa place : effacement au quotidien d’un pan d’histoire et passage au laminoir d’une identité incarnée dans cette architecture. Le Betsimitatatra, la plus vaste plaine rizicole léguée par quatre cents ans d’ouvrage humain, livré à la folie furieuse des remblais : de temps en temps, pour punir cette aberration qui bénéficie de programmes très officiels (donc sur deniers publics) de protection contre les crues, l’eau venge notre bon sens impuissant comme lors des formidables inondations de 1959 et 2022.

Mais aussi, on ne peut remblayer le Betsimitatatra sans araser les collines. Dommage double. À force d’aplanir les collines, que va-t-il rester des emblématiques « Tendrombohitra Roambinifolo » , les douze collines qui font l’Imerina ?

CHRONIQUE DE VANF 5 Octobre 2022 Rova et remblais
(Photo : « Madagascar vu par les peintres », partagé par la Galerie Vincent Bercker à Aix-en-Provence, qui avait organisé une exposition « Les grands maîtres de la peinture malgache 1896-1960 », du 1er au 17 septembre 2022)

Quand ce ne sont pas les engins qu’on envoie, très officiellement, terrasser les montagnes, ce sont les petites mains qui s’attaquent sans relâche à la pierre des collines : Ambatomaro, aux-pierres-innombrables, disparaîtra purement et simplement à raison de ces camions emplis de moellons à pleine charge par essieu, mais que personne ne songe à contrôler. Entre Ambohimalaza et Anjeva, aux abords d’Ambatofotsy dangereusement proche d’Iharanandriana, au pied de la colline d’Ambatomanoina ou entre Fiakarana et Ambohitriniarivo, ainsi que partout ailleurs dont on ne peut dresser ici la liste exhaustive, c’est le même spectacle tragique de ces familles qui réduisent les majestueux mamelons de granite en gravillons.

Les « Douze collines », qui ne sont pas que douze, dessinent un paysage qu’ont célébré, tant et tant de fois, les poètes : « Ankaratra et Andringitra voulaient venir l’une vers l’autre, dit la légende, mais Ambohimanoa s’est intercalée ».

L’Imerina, en son étymologie, c’est ce pays des hauteurs sur lesquelles les Anciens établirent leur habitat, laissant la plaine, à l’eau, au riz, aux cultures. L’Imerina, sans ses collines de toujours, deviendra un « plat pays ». Quand des travaux de remblaiement sans autorisation sont assujettis à un ordre de recette, c’est qu’on a officiellement renoncé à la remise en l’état initial, la seule véritable «réparation» concevable. C’est ainsi qu’on détruit une part d’histoire et qu’on dépersonnalise tout un peuple auquel on vole son paysage identitaire. Un génocide qui dira bientôt son nom.

Les collines qu’on noie dans la plaine, le Betsimitatatra qu’on étouffe sous les remblais, les «Trano Gasy» qu’on défigure, le Rova d’Antananarivo qu’on abâtardit : c’est l’Imerina qu’on assassine.

(Photo : « Madagascar vu par les peintres », partagé par la Galerie Vincent Bercker à Aix-en-Provence, qui avait organisé une exposition « Les grands maîtres de la peinture malgache 1896-1960 », du 1er au 17 septembre 2022)