Les bagnards de Nosy Lava (2009)
Documentaire de 18′, réalisation Régis MICHEL
Diffusion dans l’émission Thalassa du 28 Mai 2010 à 20H30
Dans le Canal du Mozambique, au Nord-ouest de Madagascar, l’île de Nosy Lava est située sur la route de nombreux navires. Pourtant, les marins n’y font pas escale. Pour nombre d’entre eux, cette terre est « fady », interdite.
Au nord de l’île, dans une baie couleur de saphir et d’émeraude, une immense plage de sable blanc découvre des bâtisses en ruine, rongés de soleil c’est le bagne de Nosy Lava, Maison de force créée par les français en 1911.
Jusqu’à l’indépendance du pays, l’établissement sert à emprisonner les droits communs et tous les opposants de l’empire colonial. En 1960, l’État français est remplacé par l’État malgache, mais les déportations et les atrocités continuent. Au début des années 80, la ruine du régime socialiste entraîne l’abandon progressif de la « maison d’arrêt » et de ses pensionnaires. L’établissement n’a en fait jamais fermé et l’on continue à y envoyer des condamnés, mais l’administration ne s’occupe plus vraiment de les nourrir ni de subvenir à leurs besoins élémentaires. Le directeur du pénitencier doit alors « se débrouiller comme il peut » selon les termes mêmes du Ministre de l’Intérieur de l’époque. La solution est alors de libérer les prisonniers dans la journée et de les laisser trouver eux-mêmes leur nourriture. Parmi eux, de nombreux assassins et individus dangereux !
En 1999, le journaliste malgache Rivoherizo Andriakoto réalise un documentaire sur le bagne intitulé « Les Damnés de la Terre« . Ce film montre le quotidien des condamnés pour qui tout espoir de libération a disparu. A l’époque, croupissaient encore ici des voleurs de poules, arrêtés du temps de la colonie, condamnés à 6 mois ou deux ans de prison et oubliés ici par la dictature et la bureaucratie malgache. Le scandale est inouï. Auréolé du prix Albert Londres, diffusé à la télévision malgache, le film a de telles répercussions que le président-dictateur de l’époque, Didier Ratsiraka ferme la maison d’arrêt et gracie officiellement l’ensemble des bagnards encore détenus sur l’île. Son directeur et ses gardiens quittent les lieux administrativement, le bagne n’existe plus !
A Nosy Lava, aujourd’hui, ils sont pourtant une dizaine de « rescapés », consignés sur l’île où ils ont tous déjà passé plusieurs décennies. Chacun habite maintenant une cellule qui était jadis occupée par 30 ou 40 prisonniers. La plupart ont aussi pris femme dans le village voisin et tenté de se construire comme une vie de famille. Oui, le bagne a été fermé, mais ceux qui vivent encore dans ces ruines n’ont toujours pas été officiellement libérés ! L’administration leur a simplement donné une pirogue pour pêcher et se nourrir et il leur est interdit de quitter l’île.
Voir un autre article de Régis Michel