Le gouvernement malgache interdit 9 émissions de radio pendant 15  jours

Le gouvernement malagasy interdit 9 émissions de radio télé pendant 15  jours

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Le gouvernement malagasy interdit 9 émissions de radio et télé pendant 15 jours au nom de l’urgence sanitaire.

Décision interministérielle du 22 avril 2021

Cette décision a été diffusée sur la page Facebook du Ministère de la Communication et de la Culture, ainsi que son site internet. Voir notre article qui reproduit le fac-similé de la décision, qui est à la disposition du public.

Elle stipule l’interdiction des manifestations publiques et la diffusion de plusieurs émissions radiophoniques et audiovisuelles. On évoque qu’elles seraient susceptibles de troubler l’ordre public et nuire à l’unité nationale. Et ce dans le contexte de crise sanitaire et de confinement total de la population, notamment de la Capitale Antananarivo.

Quelles sont les émissions concernées ?

 

A partir du 23 avril 2021, 9 émissions sont touchées par cette interdiction. A savoir : Aoka Hazava (Viva radio), Anao ny Fitenana (Free FM), Tambatra miara-manonja tena izy (Viva Radio, Viva TV, Free FM, Alliance FM, Taratra FM, Kolo TV, Kolo FM), Miara-manonja (MBS, Az, Soa Radio), Kapotandroka (IBC), Invité du jour (Real TV), ça me dit (RTA), Don-dresaka (TV Plus), Rivotra (RDJ). Le gouvernement précise que « la liste est non limitative » et pourrait s’allonger selon le contexte. La durée pourrait être étendue au-delà des 15 jours initiaux.

La décision est signée par le ministre de la Justice, le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, le ministre de la Sécurité publique, le ministre de la Communication et de la Culture et le secrétariat d’Etat chargé de la Gendarmerie.

Quelles sont les caractéristiques de ces émissions ?

Cette disposition interministérielle vise tout particulièrement des émissions interactives, avec des interventions téléphoniques des auditeurs. Notons, pour mémoire, qu’une émission de TVPLUS qui avait eu beaucoup de succès avait disparu des ondes radiophoniques, dès 2018. Elle s’appelait « Démocratie mivantana ». Elle était diffusée tous les matins. Les auditeurs intervenaient, en direct, sans aucune intervention des animateurs. Le temps de parole était limité à 3 minutes.

Entrave à la liberté d’expression selon les dirigeants des chaines

« C’est une entrave à la liberté d’expression. On ne voit pas le lien entre la lutte contre la pandémie et cette interdiction de diffusion. Si c’était une bonne idée, une telle mesure aurait été prise dans différents pays du monde, et ça n’est pas le cas. » énonce Joel Ralaivaohita, le directeur de publication de la chaîne MBS, propriété de l’ex-président Marc Ravalomanana et leader du parti TIM. Les chaînes MBS, IBC, Real TV, Soa Radio et AZ radio vont déposer une requête auprès du Conseil d’Etat lundi 26 avril 2021. Ils vont solliciter également les différentes représentations diplomatiques.

Le gouvernement malagasy interdit 9 émissions de radio télé pendant 15  jours

Du côté des journalistes, le Président de l’Ordre des Journalistes de Madagascar, Gérard Rakotonirina, on affirme clairement que « c’est une entrave claire et nette à la liberté de la presse. Alors que le pays est en pleine crise du coronavirus, est-ce vraiment la priorité ? Cibler les émissions où les citoyens peuvent participer n’est pas anodin, c’est un mépris de démocratie et un signal inquiétant pour le pays. Cette décision va à l’encontre de l’article 10 et 11 de la Constitution, ainsi que l’article 19 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. ».

Violation de la Constitution et des lois de la République selon Ravalomanana

Aussitôt, l’ex-président Marc Ravalomanana a lui publié un communiqué. On peut résumer ainsi son intervention : « Le pouvoir actuel profite de cette situation pour pouvoir asseoir une dictature qui ne dit pas son nom, mais qui est bien une dictature, car les mesures prises, qui plus est par décision interministérielle, l’ont été en violation de la Constitution et des lois de la République, et constituent un « abus de pouvoir caractérisé ». Il conclut qu’il prévoir donc d’alerter les différentes représentations diplomatiques présentes et actives à Madagascar. Tandis que Me Hanitra Razafimanantsoa, députée et n°2 du parti TIM, qualifie ces mesures de « dictatoriales ». « Tout citoyen, quel que soit son bord, doit avoir le droit de s’exprimer, surtout en temps de pandémie. »

Le retour de la censure et la chute du classement de Madagascar en matière de liberté de la presse

Dans son dernier rapport, l’ONG Reporters sans frontières fait état du classement Madagascar. En matière de liberté de la presse, la Grande Ile chute de la 54ème à la 57ème place. On peut y lire ainsi : « La crise sanitaire a aussi été l’occasion d’un tour de vis sur le débat public, avec l’interdiction des interventions en direct des auditeurs et l’obligation pour tous les médias audiovisuels privés de diffuser les émissions consacrées à la pandémie sur les antennes et les ondes des médias publics ».

La Société Civile s’inquiète déjà pour les réseaux sociaux.

La plateforme ROHY, par la voix de sa coordonnatrice Faraniaina Ramarosaona évoque « les méthodes de censure de l’époque de Ratsiraka. « C’est à la fois subtil, et à la fois ça ne l’est pas ! Seule la forme diffère. Le gouvernement veut se donner l’excuse de l’impartialité, mais en réalité, cela reste de la censure pure et dure. ». « Espérons que l’exécutif ne s’en prenne pas aux réseaux sociaux ». Elle oublie qu’il y a déjà eu des précédents, pas si lointains. Ailleurs, dans la presse étrangère, on peut lire que ce n’est la première fois que « le pouvoir se crispe durant la pandémie à Madagascar. ». Outre MBS, qui a été suspendue le 5 février 2021 des 3 bouquets satellitaires, pour « incitation de la population à se révolter et diffusion de fausses nouvelles, une ou plusieurs internautes blogueurs ont fait l’expérience du « mandat de dépôt », sans autre forme de procès ni d’assignation.

Source : RFI, Assane SEYE-Senegal7